Par Manuel Duchesne, Chancelier du chapitre du Royaume de Belgique de la Casa Troncal.
Naissance d’une Princesse.
Marie-Adélaïde, Thérèse, Hilda, Antoinette, Wilhelmine de Nassau, est née au château de Colmar-Berg le 14 juin 1894.
Château Grand-ducal de Colmar-Berg.
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Vue du Château en 1903. |
Le Château de Colmar-Berg est la résidence privée des Grands-ducs.
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Elle est la fille aînée du grand-duc Guillaume IV de Luxembourg, 5ème Grand-duc du Luxembourg, et de son épouse l’Infante Marie-Anne de Bragance (Portugal).
Les parents de la Grande-duchesse Marie-Adélaïde.
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La Princesse appartient à la huitième branche de la Maison de Nassau. C’est cette lignée cadette de Nassau-Weilburg qui donna des grands-ducs au Luxembourg.
Armes Grand-ducale Luxembourgeoises.
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Elle est la petite-fille du grand-duc Adolphe de Luxembourg, duc de Nassau (1817-1890) et d’Adelaïde de Anhalt-Dessau (1833-1916) , ainsi que du roi Michel Ier de Portugal (1802-1866) et de la reine née princesse Adélaïde de Löwenstein-Wertheim-Rosenberg (1831-1909).
Roi Michel 1er du Portugal (1802-1866), père de la Grande-duchesse Marie-Anne du Luxembourg.
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Marie-Adélaïde est le premier souverain né sur le sol luxembourgeois depuis Jean l’Aveugle en 1296.
Héritière du Luxembourg.
Son père proclama Marie-Adélaïde, héritière du grand-duché de Luxembourg le 10 juillet 1907, au détriment de son cousin Georges Nicolas de Merenberg afin de résoudre la crise de succession. Celle-ci est l’ainée d’une famille de 6 enfants.
Règne.
Elle succéda à son père le 25 février 1912 et prête serment le 18 juin de la même année. A cette occasion, le Président de la Chambre des Députés, Auguste Laval, inaugura le règne de la Grande-duchesse Marie-Adélaïde par ces paroles :
» Considérons, Messieurs, comme d’un heureux augure pour l’avenir du Pays, la circonstance que la Grande-duchesse Marie-Adélaïde est le premier de nos souverains né sur la terre grand-ducale, le premier qui y ait été élevé et qui, dès sa tendre jeunesse, ait respiré l’air du sol natal et appris à connaître les idées, les aspirations et les traditions du peuple sur lequel il est appelé à régner.»
Auguste Laval.
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Depuis la mort de l’Impératrice Marie-Thérèse en 1780, aucune femme n’avait accédé au trône du Luxembourg. La jeune Princesse succédait ainsi à son père malade et à son grand-père très âgé. C’est sous son règne, le 10 août 1912, que l’enseignement primaire est rendu obligatoire.
Début de règne prometteur.
Lors de sa prestation de serment à la Chambre des Députés le 18 juin 1912, le discours prononcé par la jeune Grande-duchesse, était empreint d’un tout autre esprit que celui de son père. En effet, celle-ci s’inspirant de la devise de l’empereur Henri VII issu de la Maison de Luxembourg, « Judicate Juste ! », elle déclara : « C’est le désir de juger conformément aux exigences de la justice et de l’équité qui inspirera tous mes actes. Le Droit et l’Intérêt général seuls me guideront ! ». « Juger juste, n’est-ce pas la Justice égale pour tous, mais aussi la Justice protectrice des humbles et des faibles ? L’inégalité économique croissante entre les hommes est la grave préoccupation de notre époque. La Paix sociale, si ardemment désirée, est restée jusqu’ici un fuyant idéal. Ne faut-il pas faire oeuvre de rapprochement et de solidarité ? ».
Ce discours très social indiquait cependant aussi que la Souveraine voulait avoir son mot à dire dans les orientations politiques à prendre. La Grande-duchesse, très catholique, restait convaincue d’être souveraine « par la grâce de Dieu ». Une telle attitude allait se heurter à la réalité politique.
Cependant, Marie-Adélaïde n’a jamais outrepassé ses droits constitutionnels ; mais son intervention active dans la politique fut ressentie par la majorité de gauche comme contraire à l’esprit de la constitution.
Empereur Henri VII.
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Les années difficiles.
Alors que la Grande-duchesse règne depuis deux ans, les troupes allemandes envahissent le Grand-duché, le 02 août 1914. Le gouvernement luxembourgeois protestera contre cette violation du droit international en évitant cependant un affrontement avec le Reich. L’accueil du Kaiser par la Grande-duchesse Marie-Adélaïde au Palais en temps de guerre devint le symbole de la proximité de la classe politique luxembourgeoise envers l’envahisseur.
La première guerre mondiale fut une épreuve pour le jeune Etat luxembourgeois. La population éprouvait des sentiments partagés envers les parties combattantes. Les liens économiques avec l’Allemagne étaient très étroits. Le réseau ferroviaire luxembourgeois appartenait à l’Allemagne et l’industrie sidérurgique était dans la main d’investisseurs allemands. Les plus hautes personnalités du pays avait également fait leurs études en Allemagne, un pays qui était perçu par bon nombre de décideurs politiques comme innovateur et moderne. De l’autre coté, la garnison prussienne établie dans la forteresse de la Ville jusqu’en 1867 avait créé une attitude de rejet envers les Allemands dans la population luxembourgeoise. L’occupation allemande durera jusqu’à l’armistice le 11 novembre 1918.
Garnison Prussienne quittant la forteresse de la ville.
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Le rôle de Marie-Adélaïde pendant cette période est controversé. Accusée de sympathie avec l’Allemagne, et d’une trop forte implication dans les affaires politiques du pays, le Parlement luxembourgeois exigea son abdication. Elle fut également critiquée par la France pour ses désirs d’annexion de la Belgique par le grand-duché et pour avoir autorisé les fiançailles de ses sœurs Charlotte avec le prince Félix de Bourbon-Parme (1893-1970), frère de l’impératrice Zita d’Autriche, reine de Hongrie (1892-1989) et officier dans l’armée autrichienne, et Antoinette (1899-1954) avec Rupprecht, prince royal de Bavière (1869-1955).
Le Prince Félix de Bourbon-Parme épousa le 6 novembre 1919 la Grande-duchesse Charlotte de Luxembourg.
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La Princesse Zita de Bourbon-Parme, Impératrice d’Autriche le jour de son mariage avec Charles François Joseph de Habsbourg-Lorraine, Charles Ier, dernier Empereur d’ Autriche-Hongrie.
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L’Impératrice Zita et l’Empereur Charles I d’Autriche-Hongrie.
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Après la guerre, les Alliés reprocheront au Luxembourg son attitude jugée complaisante envers l’Allemagne. « Ce pays n’a pas fait son devoir et ne mérite pas d’être maintenu dans son état actuel » jugea le ministre français Poincaré. La Belgique à son tour voyait le moment venu de relancer ses revendications sur le Luxembourg.
Raymond Poincaré.
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Abdication.
Au Luxembourg, les socialistes et libéraux demandèrent au Parlement la déchéance de la dynastie. Un vote qui cependant échouera. Le 9 janvier 1919, des troubles éclatèrent alors dans la capitale. Des troupes envoyées au Luxembourg par la France rétablirent le calme et l’ordre. Afin de sauver la dynastie, contrer les opposants à la monarchie, et après avoir consulté son Premier ministre, elle abdiquera le 15 janvier 1919 en faveur de sa sœur cadette, qui devient la Grande-duchesse Charlotte de Luxembourg. (1896-1985).
S.A.R. Madame la Grande-duchesse Charlotte et son fils, le futur Grand-duc Jean.
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Le 28 septembre 1919, les Luxembourgeois se prononcèrent dans un référendum à 80% pour le maintien de la monarchie.
Marie-Adélaïde quitta le Luxembourg pour entrer dans les ordres dans un couvent de carmélites à Modène en Italie. Mais dut bientôt renoncer à sa vocation, sa santé se révélant trop fragile pour les austérités du cloître.
Déces.
Elle décéda au château familial de Hohenbourg le 24 janvier 1924, à l’âge de 29 ans.
En 1947, sa dépouille fut transférée à la Cathédrale de Luxembourg.